Grève du lait: le mouvement essaime

Le mouvement des producteurs de lait, lancé jeudi en France, a gagné l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg vendredi
Il pourrait toucher l'Italie et les Pays-Bas, selon l'European Milk Board, principal syndicat laitier européen (100.000 adhérents dans 14 pays).

25 à 30% des producteurs normands, bretons, des Pays de Loire et du département du Nord (60% de la production laitière, selon l'Association des producteurs de lait indépendants Apli) faisaient grève.

Pour la FNSEA, opposée au mouvement, la grève est "peu suivie". Pour Jean-Michel Lemétayer, président du premier syndicat agricole français, ce mouvement "n'infléchira pas les positions ultralibérales de la Commission européenne" sur la suppression des quotas. Il ajoute que "l'heure est à la solidarité entre les producteurs de lait pour tenter de renverser les positions de la Commission".

La grève a été initiée jeudi par l'Association des producteurs de lait indépendants (Apli), qui dénonce l'effondrement du prix du lait et la dérégulation du marché décidée par Bruxelles. Les éleveurs réclament un prix minimum entre 350 et 400 euros les 1000 litres, contre 260 à 280 euros actuellement en France, pays où le prix est le plus élevé.

Des actions locales et ponctuelles
Dans l'Orne, l'antenne locale de l'Apli a revendiqué vendredi "une bonne quarantaine de 'pourcents' de participation". Le Finistère a aussi signalé "entre 30 à 40%" de mobilisation, selon l'Organisation des producteurs de lait (OPL, proche de la Coordination rurale). Dans l'Ain, une cinquantaine de membres de l'Apli ont ouvert les vannes des tanks, vidant le lait dans les fosses à lisier ou le distribuant à des consommateurs.

Dans le Rhône et la Loire, des militants de la Confédération paysanne ont bloqué des camions de collecte, avec une vingtaine d'interceptions de véhicules appartenant aux industriels Sodiaal et Lactalis, ainsi qu'à l'Union régionale des coopératives laitières. A Rostrenen, dans les Côtes-d'Armor, deux camions ont été bloqués par des militants de la Confédération paysanne.

André et Jean-Yves Gallais, producteurs installés au Rheu, près de Rennes, ont eux aussi déversé une partie de leur collecte dans une fosse à lisier, a constaté une journaliste de l'AFP.

A Toulouse, place du Capitole, une vingtaine de producteurs de l'Apli ont distribué 1.300 litres de lait vendredi matin, demandant 25 centimes par litre, prix de la bouteille et du bouchon.

Des distributions gratuites de lait ont été organisées aussi sur des marchés, comme à Vire, dans le Calvados.

La mobilisation dans le Nord-Pas-de-Calais
Dans le département du Nord, le mouvement a été suivi vendredi par deux éleveurs sur cinq, selon un délégué départemental. Des distributions de lait ont eu lieu notamment à Avesnes-sur-Helpe.

A Cartignies, toujours dans le Nord, le délégué départemental de l'Apli Karol Bulcke a déclaré avoir déversé dans une fosse à lisier le reliquat de production qu'il n'avait pas écoulé plus tôt dans la journée, à titre gratuit, sur les marchés.

Les cinq exploitants du GAEC (groupement agricole d'exploitation en commun) auquel il appartient produisent ensemble 1.500 litres de lait par jour. Le lait est collecté par une coopérative qui compte 70 clients, soit de 150 à 200 exploitants. "La collecte s'effectue sur trois jours, par tiers. Sur cette seule journée de jeudi, le GIE a recensé 15 grévistes", soit 20% de ses clients, a-t-il indiqué.

Les grévistes ont demandé aux maires des communes environnantes d'informer leurs administrés que le lait serait offert tous les matins à la ferme, puis sur les marchés, avant d'être jeté. "Maintenant il va falloir régler la trésorerie. On va faire la grève des paiements" pour faire face aux charges les plus urgentes, et surtout l'alimentation des bêtes qui absorbe les deux tiers du budget, selon Karol Bulcke.

La grève a également démarré dans le Pas-de-Calais, selon Christophe Fourdinier, un producteur adhérent de l'APLI qui a installé un panneau à l'entrée de son exploitation pour inciter les automobilistes à s'arrêter faire le plein de lait...

Des producteurs européens se joignent au mouvement
En Belgique, des dizaines de producteurs laitiers belges ont déversé vendredi des citernes de lait sur une autoroute et devant l'hôtel de ville de Charleroi dans le cadre de la grève européenne du lait, ont indiqué les organisateurs. Selon le président du Milk Producer Interest Group (MIG), membre belge de la fédération européenne des producteurs laitiers (EMB), Erwin Schöpges, quelque 200 tracteurs ont bloqué à la mi-journée l'autoroute E42 à la hauteur de Saint-Vith, à quelques kilomètres de la frontière allemande après avoir noyé la chaussée de lait.

Des producteurs de lait allemands et luxembourgeois se sont joints vendredi à l'appel à la grève du lait lancé la veille par leurs homologues français. Selon un porte-parole de l'European Milk Board, le principal syndicat laitier européen, qui revendique 100.000 adhérents dans 14 pays, les producteurs italiens et néerlandais envisagaient également de participer au mouvement.

La grève a été lancée après l'échec d'une réunion lundi à Bruxelles où les pays européens ont affiché leurs divisions entre les partisans, comme les pays nordiques, d'une libéralisation du marché et ceux, comme la France et l'Allemagne, qui soutiennent une régulation afin d'assurer une stabilité des prix.