"Jan Karski" : hommage à un héros polonais
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"Jan Karski" : hommage à un héros polonais
Qui est Jan Karski ? L'homme qui a prévenu les Alliés de la réalité de l'extermination des juifs d'Europe
Polonais et catholique, il avait été chargé par deux juifs polonais de "convaincre les gouvernements alliés de déclarer officiellement aux Allemands que la poursuite de l'extermination des Juifs leur attirera de terribles représailles : que l'Allemagne entière sera détruite".
Pour le persuader, les deux hommes emmènent Jan Karski à l’intérieur du ghetto de Varsovie. Il y voit des "enfants aux yeux fous", des mères aux seins désespérément plats tenter de nourrir leur enfant, des cadavres nus dans la rue, et de tout jeunes soldats nazis tirer au hasard sur des cibles humaines, pour se distraire.
De ce jour, Jan Karski, jusque là résistant polonais parmi d’autres, se sent investi de cette mission : tout faire, comme le lui ont demandé les deux hommes, pour empêcher l’accomplissement du génocide. Il parcourt l’Europe, rencontre les dirigeants alliés, puis part pour les Etats-Unis. Il rencontre Roosevelt pour délivrer le même message : l'interruption de l'extermination doit être une priorité des Alliés. Il échouera, rencontrant partout le même silence et, de la part de Roosevelt, provoquant une série de baillements qui le révulseront.
"Le message n'ébranle pas la conscience du monde"
Après-guerre, Jan Karski, qui a choisi de rester aux Etats-Unis, écrit "Story of a Secret State" (réédité en France en 2004 sous le titre "Mon témoignage devant le monde"), qui a servi d'inspiration à Yannick Haenel, dont l’ouvrage se divise en trois chapitres. Le premier est consacré à l’intervention de Jan Karski dans le film Shoah, de Claude Lanzmann. Le second, le plus fort, raconte toute la seconde guerre mondiale telle que l’a vécue son héros polonais : sous-lieutenant, Jan Karski est fait prisonnier par les Russes. Il aurait pu – aurait dû - mourir dans le charnier de Katyn. Par ruse, il réussit à profiter d’un échange, et passe aux mains de l'armée nazie. Il y découvre, écrit Haenel, pire que la violence : "la gratuité de la violence". Il s’enfuit, rejoint la résistance, est pris par la Gestapo, vit mille aventures qui défient l’entendement. Jusqu’à la visite du ghetto, puis l'odyssée à travers l’Europe. Incrédule, Karski constate qu’on ne l’entend pas, qu’on ne veut pas l’entendre : "le message ne change rien, il n’ébranle pas la conscience du monde". Le troisième chapitre est voué à l'après-guerre, vue des Etats-Unis où le résistant polonais (1914-2000) a passé le reste de sa vie.
Un plaidoyer pour la Pologne martyrisée
Parmi les aspects et parti pris les plus frappants du livre, le plaidoyer constant pour cette Pologne martyrisée par l’Allemagne nazie comme par la Russie soviétique. Une Pologne qui n’a pas collaboré au plus haut niveau, comme on l’a vu ailleurs. Une Pologne dont le quotidien est invivable : "fermeture des écoles", "programme de famine qui maintient chaque habitant sous le niveau minimal d’alimentation". "Un Polonais, écrit Haenel, c’est quelqu’un qui a lutté contre Hitler, mais aussi contre Staline" : "être polonais, c’est être dissident"
Si le livre se lit si bien, c’est évidemment parce que l’auteur a choisi un sujet fort. C’est aussi parce qu’il a choisi une écriture sobre et fluide, loin des envolées lyrico-poétiques de "Cercle", son précédent roman.
Un infime bémol : fallait-il vraiment raconter deux fois la visite du ghetto (pages 27 à 33 et 96 à 99), si forte qu’elle se grave instantanément et scène par scène dans la mémoire du lecteur ? A cette légère restriction près, ce livre bouleversant rend à la Pologne et aux Polonais, si souvent maltraités par l’histoire, un magnifique hommage.
"Jan Karski" Yannick Haenel (L’infini, nrf Gallimard, 16,50 euros, 190 pages)
-> Polémique entre les jurés Médicis et Philippe Sollers : le jury Médicis a classé "Jan Karski" dans sa première sélection pour le prix Essai. Philippe Sollers, éditeur de Yannick Haenel chez Gallimard, s'est insurgé, rappelant qu'il s'agit d'un "roman" (c'est indiqué sur la couverture). A la lecture du livre et de l'aveu même de l'auteur, seul le troisième chapitre est romancé. Cette bataille d'étiquette indiquerait-elle qu'il vaut mieux être catalogué roman qu'essai dans la bataille des prix littéraires ?
-> Yannick Haenel rappelle dans son livre qu'un des héros de l'indépendance polonaise (soulèvement contre la Russie en 1794) s'appelle Kosciusko, dont une branche a émigré en France. Une de ses arrières arrières petites nièces, prénommée Nathalie, est aujourd'hui secrétaire d'Etat à l'économie numérique.
Frodon- Nounou d'enfer
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