Guinée: répression et violences inouïes à Conakry
Guinée: répression et violences inouïes à Conakry
La junte au pouvoir est accusée d'avoir provoqué un massacre lors de la répression d'une manifestation à Conakry
Les forces de l'ordre ont tiré sur des dizaines de milliers d'opposants qui s'étaient rassemblés dans un stade de la capitale, tuant au moins 157 personnes et faisant 1.253 blessés, selon une ONG et des témoins. Un bilan qui pourrait s'alourdir.
De nombreux témoignages font état de violences inouïes et d'actes de barbarie, dont des viols.
Il s'agit d'un des pires carnages commis en une seule journée depuis un quart de siècle dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, dirigé depuis son indépendance en 1958 par des militaires. L'armée y est régulièrement accusée de graves exactions.
Le bilan pourrait s'alourdir, plusieurs sources ayant accusé les militaires d'avoir ramassé des corps pour dissimuler le véritable bilan.
Le capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte guinéenne, a promis l'ouverture d'une enquête sur les violences commises par les forces de sécurité. "Les autorités feront tout ce qui est nécessaire pour établir la lumière sur ces événements tragiques qui menacent la paix sociale", a dit Camara lors d'une intervention à la télévision mardi soir.
Mardi, l'un des leaders de l'opposition, Alpha Condé, a assuré que le mouvement de manifestations allait se poursuivre jusqu'au départ du pouvoir militaire "criminel".
Au départ, les manifestants entendaient protester contre l'éventuelle candidature du chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, à l'élection présidentielle de janvier. Le rassemblement dans le stade avait été interdit dimanche. Les manifestants se sont répandus dans les rues et ont attaqué les forces de l'ordre et ont pénétré dans le stade du 28-septembre, selon Reuters.
Le chef de la junte dit ne pas avoir le contrôle de l'armée
Le chef de la junte au pouvoir en Guinée, le capitaine Moussa Dadis Camara, a affirmé mercredi sur Europe 1 "ne pas contrôler l'armée" et tenté de minimiser sa responsabilité dans la sanglante répression. "L'événement m'a débordé. Cette armée, je ne contrôle pas toutes ses activités (...). Dire que je contrôle cette armée, ce serait de la démagogie", a-t-il déclaré avant d'ajouter: "J'ai hérité d'un héritage d'un demi-siècle, une armée où le caporal peut dire 'merde' à un colonel, à un général".
Moussa Dadis Camara, qui s'est rendu mardi dans deux hôpitaux de Conakry pour rencontrer de nombreux blessés, a accusé l'opposition d'être responsable des violences.
"C'est malheureux, c'est dramatique (...) Très franchement parlant, je suis très désolé, très désolé", a déclaré lundi soir à Radio France Internationale (RFI), le capitaine Moussa Dadis Camara, à la tête de la Guinée depuis neuf mois. Jusque-là, celui-ci s'enorgueillait d'être arrivé au pouvoir sans violences. Il a affirmé lundi qu'il n'avait pas pris le pouvoir pour aboutir "à un affrontement".
Dans une interview à la radio sénégalaise RFM mardi, Dadis Camara s'est exprimé de façon décousue et confuse, sans jamais terminer ses phrases. "Le matin, vers 10h, je me réveille, j'apprends qu'il y a des gens qui sont en train d'aller vers le stade en masse (...) Ils ont défoncé le portail du stade du 28-septembre, ils ont saccagé le commissariat de police où ils ont pris même certaines armes", a-t-il dit. "Les leaders (de l'opposition) sont tous partis pour le stade (...) Ils (les manifestants) ont saccagé, il n'y avait plus d'ordre (...) J'ai dit de ne rien faire à ces leaders, que je ne voudrais pas qu'il y ait une goutte de sang", a assuré le chef de la junte. "A un certain moment donné, j'ai demandé à aller sur le terrain pour voir ce qui s'est passé, mais les gens m'ont dit de rester et qu'ils sont en train de faire le point de la situation."
Les violences continuent
Des exactions se sont poursuivies mardi avec au moins un adolescent tué par les militaires, selon des témoins à Conakry, où l'on pouvait entendre des tirs sporadiques et où les forces de l'ordre étaient massivement déployées. Mardi soir, une ONG a fait part de la mort de trois jeunes gens, tous victimes de l'armée. De nombreux commerces sont restés fermés.
"Nous avons des informations très inquiétantes de femmes détenues dans des camps militaires et des commissariats qui sont violées", a déclaré Mamadi Kaba, président de la branche guinéenne de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho). "Les militaires entrent aussi dans les quartiers, pillent les biens et violent les femmes", a-t-il ajouté. "Les exactions continuent dans les quartiers, perpétrées par des militaires. (...) Ils tirent en l'air, pillent des boutiques et frappent les gens", a raconté un habitant.
Des témoignages recueillis par l'organisation de défense des droits de l'homme basée à New York, Human Rights Watch (HRW), confirment cette violence aveugle: "J'ai vu les hommes armés tirer directement sur la foule et tirer en l'air", raconte un témoin. "J'ai vu des bérets rouges attraper des femmes qui essayaient de fuir, arracher leurs vêtements et toucher leurs parties intimes. D'autres ont battu des femmes, même sur leur sexe. C'était pathétique, celles-ci hurlaient", décrit un autre témoin.
"Les viols ont commencé au stade. Des militaires ont violé des femmes", a confirmé à l'AFP Mamadi Kaba, président de la branche guinéenne de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho), une ONG basée à Dakar. Selon lui, ces viols se sont poursuivis dans les casernes et les commissariats, sur les femmes arrêtées lors de la manifestation, ainsi que dans les heures qui ont suivi dans les quartiers populaires.
Les dirigeants de l'opposition, qui étaient dans le stade pour animer le rassemblement, n'ont pas échappé à la furie des militaires. Cellou Dalein Diallo, candidat à l'élection présidentielle et leader de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UDFG), témoigne: "Ils m'ont donné des coups de pieds, ils m'ont cassé des côtes, ils m'ont donné des coups de crosse sur la tête, j'ai failli perdre connaissance." Il a assuré que pendant qu'il était à terre et se faisait rouer de coups, l'un des militaires avait lancé: 'On va l'achever pour en finir avec cette pagaille.'"
Election présidentielle prévue en décembre
Ces violences interviennent au moment où la communauté internationale fait pression sur le chef des putschistes, au pouvoir depuis le coup d'Etat du 23 décembre 2008, pour qu'il respecte ses engagements de ne pas se présenter à l'élection et de laisser le pouvoir aux civils.
Deux leaders de l'opposition, dont l'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, candidat à l'élection présidentielle et leader de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UDFG, opposition) a été blessé lors de la manifestation maintenue par "les forces vives" du pays. L'ancien chef de gouvernement Sidya Touré, leader de l'Union des forces républicaines (UFR, opposition) a subi le même sort, selon leur récit. Ils ont été conduits au camp militaire Alpha Yaya Diallo, siège de la junte, puis transportés dans une clinique pour y être soignés.
Réactions
- Après cette répression "sauvage et sanglante", la France, ex-puissance coloniale, a décidé la suspension immédiate de sa coopération militaire avec la Guinée et réexamine l'ensemble de son aide bilatérale, a annoncé mardi le chef de la diplomatie Bernard Kouchner. "Faites très attention : l'irrémédiable a déjà été commis mais ce pourrait être encore pire si les responsables de la société civile, les leaders politiques, venaient à être inquiétés dans leur intégrité physique et qu'ils ne puissent pas tenir leur rôle de médiateur dans cette société très fragile" a prévenu le ministre français des Affaires étrangères.
A sa demande, l'UE se réunit mercredi "pour examiner les mesures complémentaires (...) qui pourraient être prises rapidement". L'UE avait décidé fin juillet de placer la Guinée sous surveillance pendant deux ans et de maintenir le gel de son aide au développement en attendant un retour à l'Etat de droit après le coup d'Etat de décembre dernier, suite à la mort du président Lansana Conté qui dirigeait le pays depuis 24 ans.
- Les Etats-Unis se sont dits "profondément inquiets" des violences survenues et demandent instamment à la junte de faire preuve de modération, selon le département d'Etat.
- La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) a appelé lundi la communauté internationale à "réagir fermement" après la sanglante répression.
Les forces de l'ordre ont tiré sur des dizaines de milliers d'opposants qui s'étaient rassemblés dans un stade de la capitale, tuant au moins 157 personnes et faisant 1.253 blessés, selon une ONG et des témoins. Un bilan qui pourrait s'alourdir.
De nombreux témoignages font état de violences inouïes et d'actes de barbarie, dont des viols.
Il s'agit d'un des pires carnages commis en une seule journée depuis un quart de siècle dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, dirigé depuis son indépendance en 1958 par des militaires. L'armée y est régulièrement accusée de graves exactions.
Le bilan pourrait s'alourdir, plusieurs sources ayant accusé les militaires d'avoir ramassé des corps pour dissimuler le véritable bilan.
Le capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte guinéenne, a promis l'ouverture d'une enquête sur les violences commises par les forces de sécurité. "Les autorités feront tout ce qui est nécessaire pour établir la lumière sur ces événements tragiques qui menacent la paix sociale", a dit Camara lors d'une intervention à la télévision mardi soir.
Mardi, l'un des leaders de l'opposition, Alpha Condé, a assuré que le mouvement de manifestations allait se poursuivre jusqu'au départ du pouvoir militaire "criminel".
Au départ, les manifestants entendaient protester contre l'éventuelle candidature du chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, à l'élection présidentielle de janvier. Le rassemblement dans le stade avait été interdit dimanche. Les manifestants se sont répandus dans les rues et ont attaqué les forces de l'ordre et ont pénétré dans le stade du 28-septembre, selon Reuters.
Le chef de la junte dit ne pas avoir le contrôle de l'armée
Le chef de la junte au pouvoir en Guinée, le capitaine Moussa Dadis Camara, a affirmé mercredi sur Europe 1 "ne pas contrôler l'armée" et tenté de minimiser sa responsabilité dans la sanglante répression. "L'événement m'a débordé. Cette armée, je ne contrôle pas toutes ses activités (...). Dire que je contrôle cette armée, ce serait de la démagogie", a-t-il déclaré avant d'ajouter: "J'ai hérité d'un héritage d'un demi-siècle, une armée où le caporal peut dire 'merde' à un colonel, à un général".
Moussa Dadis Camara, qui s'est rendu mardi dans deux hôpitaux de Conakry pour rencontrer de nombreux blessés, a accusé l'opposition d'être responsable des violences.
"C'est malheureux, c'est dramatique (...) Très franchement parlant, je suis très désolé, très désolé", a déclaré lundi soir à Radio France Internationale (RFI), le capitaine Moussa Dadis Camara, à la tête de la Guinée depuis neuf mois. Jusque-là, celui-ci s'enorgueillait d'être arrivé au pouvoir sans violences. Il a affirmé lundi qu'il n'avait pas pris le pouvoir pour aboutir "à un affrontement".
Dans une interview à la radio sénégalaise RFM mardi, Dadis Camara s'est exprimé de façon décousue et confuse, sans jamais terminer ses phrases. "Le matin, vers 10h, je me réveille, j'apprends qu'il y a des gens qui sont en train d'aller vers le stade en masse (...) Ils ont défoncé le portail du stade du 28-septembre, ils ont saccagé le commissariat de police où ils ont pris même certaines armes", a-t-il dit. "Les leaders (de l'opposition) sont tous partis pour le stade (...) Ils (les manifestants) ont saccagé, il n'y avait plus d'ordre (...) J'ai dit de ne rien faire à ces leaders, que je ne voudrais pas qu'il y ait une goutte de sang", a assuré le chef de la junte. "A un certain moment donné, j'ai demandé à aller sur le terrain pour voir ce qui s'est passé, mais les gens m'ont dit de rester et qu'ils sont en train de faire le point de la situation."
Les violences continuent
Des exactions se sont poursuivies mardi avec au moins un adolescent tué par les militaires, selon des témoins à Conakry, où l'on pouvait entendre des tirs sporadiques et où les forces de l'ordre étaient massivement déployées. Mardi soir, une ONG a fait part de la mort de trois jeunes gens, tous victimes de l'armée. De nombreux commerces sont restés fermés.
"Nous avons des informations très inquiétantes de femmes détenues dans des camps militaires et des commissariats qui sont violées", a déclaré Mamadi Kaba, président de la branche guinéenne de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho). "Les militaires entrent aussi dans les quartiers, pillent les biens et violent les femmes", a-t-il ajouté. "Les exactions continuent dans les quartiers, perpétrées par des militaires. (...) Ils tirent en l'air, pillent des boutiques et frappent les gens", a raconté un habitant.
Des témoignages recueillis par l'organisation de défense des droits de l'homme basée à New York, Human Rights Watch (HRW), confirment cette violence aveugle: "J'ai vu les hommes armés tirer directement sur la foule et tirer en l'air", raconte un témoin. "J'ai vu des bérets rouges attraper des femmes qui essayaient de fuir, arracher leurs vêtements et toucher leurs parties intimes. D'autres ont battu des femmes, même sur leur sexe. C'était pathétique, celles-ci hurlaient", décrit un autre témoin.
"Les viols ont commencé au stade. Des militaires ont violé des femmes", a confirmé à l'AFP Mamadi Kaba, président de la branche guinéenne de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho), une ONG basée à Dakar. Selon lui, ces viols se sont poursuivis dans les casernes et les commissariats, sur les femmes arrêtées lors de la manifestation, ainsi que dans les heures qui ont suivi dans les quartiers populaires.
Les dirigeants de l'opposition, qui étaient dans le stade pour animer le rassemblement, n'ont pas échappé à la furie des militaires. Cellou Dalein Diallo, candidat à l'élection présidentielle et leader de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UDFG), témoigne: "Ils m'ont donné des coups de pieds, ils m'ont cassé des côtes, ils m'ont donné des coups de crosse sur la tête, j'ai failli perdre connaissance." Il a assuré que pendant qu'il était à terre et se faisait rouer de coups, l'un des militaires avait lancé: 'On va l'achever pour en finir avec cette pagaille.'"
Election présidentielle prévue en décembre
Ces violences interviennent au moment où la communauté internationale fait pression sur le chef des putschistes, au pouvoir depuis le coup d'Etat du 23 décembre 2008, pour qu'il respecte ses engagements de ne pas se présenter à l'élection et de laisser le pouvoir aux civils.
Deux leaders de l'opposition, dont l'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, candidat à l'élection présidentielle et leader de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UDFG, opposition) a été blessé lors de la manifestation maintenue par "les forces vives" du pays. L'ancien chef de gouvernement Sidya Touré, leader de l'Union des forces républicaines (UFR, opposition) a subi le même sort, selon leur récit. Ils ont été conduits au camp militaire Alpha Yaya Diallo, siège de la junte, puis transportés dans une clinique pour y être soignés.
Réactions
- Après cette répression "sauvage et sanglante", la France, ex-puissance coloniale, a décidé la suspension immédiate de sa coopération militaire avec la Guinée et réexamine l'ensemble de son aide bilatérale, a annoncé mardi le chef de la diplomatie Bernard Kouchner. "Faites très attention : l'irrémédiable a déjà été commis mais ce pourrait être encore pire si les responsables de la société civile, les leaders politiques, venaient à être inquiétés dans leur intégrité physique et qu'ils ne puissent pas tenir leur rôle de médiateur dans cette société très fragile" a prévenu le ministre français des Affaires étrangères.
A sa demande, l'UE se réunit mercredi "pour examiner les mesures complémentaires (...) qui pourraient être prises rapidement". L'UE avait décidé fin juillet de placer la Guinée sous surveillance pendant deux ans et de maintenir le gel de son aide au développement en attendant un retour à l'Etat de droit après le coup d'Etat de décembre dernier, suite à la mort du président Lansana Conté qui dirigeait le pays depuis 24 ans.
- Les Etats-Unis se sont dits "profondément inquiets" des violences survenues et demandent instamment à la junte de faire preuve de modération, selon le département d'Etat.
- La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) a appelé lundi la communauté internationale à "réagir fermement" après la sanglante répression.
Frodon- Nounou d'enfer
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