Lemaitre étalon d'Europe

A 20 ans, Christophe Lemaitre, malgré un très mauvais départ, est devenu champion d'Europe du 100m en devançant le Britannique Francis Lewis (10"18) et Martial Mbandjock (10"18). Dwain Chambers ne termine que 5e. Quelques semaines après avoir été le premier blanc à descendre sous les 10" sur 100m, l'Aixois confirme tout son talent en finissant en 10"11. De l'or, du bronze, voici les deux premières médailles de la France, qui plus est dans la discipline reine.


Lemaitre: ''Je n'ai rien lâché''
Bloqué. Pendant quelques secondes, Christophe Lemaitre a semblé avoir perdu toute chance de podium dans la finale du 100m. Depuis son faux-départ éliminatoire à Berlin l'an dernier, le Français est passé maître dans l'art de rater ses départs. Encastré dans ses starting-blocks, l'Aixois a peu à peu mis la machine en route, au fur et à mesure qu'il se redressait pour finir en boulet de canon et franchir la ligne d'arrivée en tête. A l'image des plus grands (Carl Lewis, Usain Bolt), il a eu cette capacité à ne pas faiblir aux 60m, au moment où tous les autres commencent à décliner, pour poursuivre son effort jusqu'au bout, jusqu'à cette médaille d'or, l'objectif avoué de cette saison. Une finalité encore un peu plus magnifiée par le déroulement de sa course, et même le déroulement de ce 100m. Car partis devant, Dwain Chambers, annoncé comme son grand rival, ne termine que 5e, mais avec le même temps que son compatriote Mark Lewis-Francis (10"18), en argent, que le Français Martial Mbandjock (10"18), en bronze, et que le Portugais Francis Obikwelu (10"18), 4e alors qu'il était le double tenant du titre. Quatre hommes dans le même temps, c'est presque unique. Mais il y en avait un devant, et cela suffit au bonheur de ce jeune néo-bachelier de 20 ans.

Depuis le début de la saison, Christophe Lemaitre n'en finit plus de progresser. En devenant le premier blanc à passer sous la barre des 10", il avait marqué les esprits. Lors de la réunion de saint-Denis, au cours de laquelle il avait été opposé à Usain Bolt et Asafa Powell, il avait vu ce qu'était le plus haut niveau mondial. Il s'était frotté au surdoué. Et il avait en plus affronté la pression de l'homme qui est attendu. Cette expérience lui a sans nul doute servi pour bien gérer ces Championnats d'Europe. Meilleur temps des qualifications, meilleur temps des demi-finales, il a juste couru un peu moins vite lors de la dernière course, tout en allant plus vite que les autres. A 20 ans, il maîtrise déjà beaucoup de choses. Pas encore le départ, son point faible, mais en ayant commencé l'athlétisme qu'en 2005, ce titre de champion d'Europe vient déjà couronner un surdoué. Champion de France cadet en 2007 (10"53 sur 100m), champion du monde juniors et vice-champion de France seniors (10"26) en 2008, champion d'Europe juniors en 2009 (10"04), le voilà déjà sur le toit de l'Europe. Dans une trajectoire rectiligne mais si impressionnante.

A Barcelone, ses parents, son frère, une tante, une amie et près de quarante supporteurs d'Aix-les-Bains étaient là pour encourager un jeune homme qui ne semble pas prêter attention à toute l'agitation qui accompagne ses sorties. Pourtant, il est bien le premier Français titré sur la ligne droite aux "Europe" depuis Claude Piquemal en 1962 à Belgrade. Et il ne veut pas s'arrêter là. Dès jeudi matin, il sera de nouveau sur la piste pour les séries du 200m, où il visera également une médaille, avant de défendre les chances d'un relais tricolore bien coté. Car avec un Martial Mbandjock, à la médaille de bronze si encourageante mais largement éclipsée par l'exploit de son compatriote, la France dispose d'une énorme chance de rafler l'or.

Réactions:
Christophe Lemaitre (FRA/champion d'Europe du 100 m): "C'est le bonheur, c'est clair. Même si je prends un mauvais départ, je n'ai rien lâché. J'ai fait ce que j'avais à faire. Je suis obligé de +déployer+ comme un fou pour rattraper mon retard. C'était dur de revenir. Au final, c'est que du bonheur. Il y a de la joie, de la fierté. Berlin (disqualifié pour faux départ en quarts de finale aux Mondiaux, ndlr) m'a permis d'éviter une nouvelle déception. Je me suis battu, je me suis vengé. J'ai cru que j'allais payer mes mauvais départs encore une fois. Ca commence dans la tête. J'étais très concentré. Surpris? Oui, quand même un peu. Je n'ai rien voulu lâcher pour ne rien regretter après. (Pour le 200 m) je suis chaud".

Martial Mbandjock (FRA/médaillé de bronze du 100 m): "Je suis totalement satisfait. Après l'attente (pour la photo-finish) je suis content d'avoir eu quelque chose. C'est énorme! Je me suis battu, ça a payé. J'ai fait ma meilleure course en finale. J'espère que ça augure de bonnes choses pour les collègues. C'est historique pour la France. J'aurais préféré être dernier que 4e. Ca valide les deux ans passés aux Etats-Unis. Je l'ai félicité de loin (Christophe Lemaitre), j'avais d'autres problèmes à ce moment-là... Je vois ça comme une porte que je viens d'ouvrir. Le niveau du sprint français, notamment chez les messieurs, est en pleine croissance".

Dwain Chambers (GBR/5e du 100 m): "Christophe Lemaitre est une bonne nouvelle pour le sprint européen. C'était une course incroyable. Lemaitre a fait une course incroyable. De mon côté, j'ai fait de mon mieux mais ca n'a pas suffi. Ce soir (mercredi), je n'avais sûrement pas mieux à offrir. C'est tout. Je suis parti fort, c'est mon instinct, mon point fort. Mais ca va aller. La vie continue."


Mark Lewis-Francis (GBR/2e du 100 m): "C'est un grand jour. Deuxième. Je n'y crois pas ! Je suis l'homme le plus heureux de la Terre. Je suis content de revenir sur le devant de la scène. Le temps importe vraiment peu. Quand on s'aligne sur la ligne pour une finale, il faut gagner. Point. C'est un nouveau départ pour moi. Dès que j'ai franchi la ligne, je savais que j'étais deuxième ou troisième. Avant le départ, je voulais être dans les 4 premiers. Cette année, c'est mon premier chrono sous les 10 sec 20. Je suis sous le choc. Je veux juste préciser que Dwain Chambers (5e) a été ma source d'inspiration depuis que je suis tout petit. Malgré tout ce qui s'est passé (Chambers a été suspendu deux ans pour dopage)."

Lemaitre: "Je n'ai rien lâché"
Christophe Lemaitre était heureux comme un gamin juste après son sacre européen. "C'est le bonheur, c'est clair", a-t-il commencer par clamer à tous les journalistes venus l'interroger. Et vu qu'ils étaient nombreux, le jeune homme d'Aix-les-Bains a bien pris le temps de raconter cette course imparfaite qui suffit amplement à son bonheur.

"Même si je prends un mauvais départ, je n'ai rien lâché", a-t-il précisé d'emblée. "J'ai fait ce que j'avais à faire. Je suis obligé de déployer comme un fou pour rattraper mon retard. C'était dur de revenir", a-t-il avoué avant de lâcher dans un grand sourire: "Au final, c'est que du bonheur". Un peu plus même. "Il y a de la joie, de la fierté. Berlin (disqualifié pour faux départ en quarts de finale aux Mondiaux, ndlr) m'a permis d'éviter une nouvelle déception. Je me suis battu, je me suis vengé", raconte-t-il de façon spontanée, dans un débit saccadé. "J'ai cru que j'allais payer mes mauvais départs encore une fois. Ca commence dans la tête. J'étais très concentré. Surpris ? Oui, quand même un peu. Je n'ai rien voulu lâcher pour ne rien regretter après". Et Pour le 200 m ? "Je suis chaud", se marre-t-il avant de partir narrer son exploit aux confrères étrangers qui attendaient leur tour.

Juste avant le héros du jour, l'autre sprinteur tricolore qualifié pour la finale avait également affiché son bonheur. Martial Mbandjock, médaillé de bronze, avait pourtant tremblé avant de voir la photo-finish le récompenser "Je suis totalement satisfait. Après l'attente, je suis content d'avoir eu quelque chose. C'est énorme ! Je me suis battu, ça a payé. J'aurais préféré être dernier que 4e. Ca valide les deux ans passés aux Etats-Unis. J'ai fait ma meilleure course en finale", confiait-il avant de poursuivre sur le renouveau de la vitesse dans l'athlé bleu. "J'espère que ça augure de bonnes choses pour les collègues. C'est historique pour la France. Je vois ça comme une porte que je viens d'ouvrir. Le niveau du sprint français, notamment chez les messieurs, est en pleine croissance". N'en jetez plus, la coupe est pleine.