Le cri d'alarme de Nicolas Hulot

L'animateur d'« Ushuaïa » se dit déçu que la France n'ait pas plus donné l'exemple en matière d'environnement au moment de prendre la présidence de l'Union. Mais il ne sera pas candidat aux élections européennes l'an prochain. Dinard (Ille-et-Vilaine) DE

DÉÇU par la lenteur de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, Nicolas Hulot espère néanmoins que la France profitera de sa présidence de l'Union européenne pour alerter sur l'urgence écologique.

Que pensez-vous du report au 3 octobre de l'examen du projet de loi sur le Grenelle de l'environnement ?

Nicolas Hulot. C'est dommage.


On n'a visiblement pas la même conception du degré d'urgence écologique. Je le regrette car je pense que c'est un signal exemplaire qui aurait permis à la France, au moment de la présidence de l'Union européenne, d'avoir une plus grande légitimité pour porter des mesures plus radicales. Si au moins ce report permet aux parlementaires de s'approprier le texte, de l'enrichir et de conclure par un vote unanime...

C'est possible ?

Députés et sénateurs sont face à leurs responsabilités. Mais ce qui s'est passé avec la loi OGM n'est pas de bon augure. Je crains qu'on retombe dans la posture politique. Pourtant, le vote unanime de ce projet de loi montrerait que, dorénavant, l'impératif écologique est la priorité. Certes, la France ne peut pas faire tout toute seule, mais elle aurait pu aller plus vite et plus loin pour pouvoir dire aux autres : « Vous voyez, nous avons pris notre part de responsabilité ; maintenant, allons-y tous ensemble. »

Qu'attendez-vous surtout de la présidence française de l'Union ?

Que la France dise haut et fort que notre modèle économique atteint ses limites. Nous sommes à un carrefour de crises - alimentaire, énergétique, financière, sociale - et, si on ne dit pas la vérité, cela va s'amplifier. Il faut bâtir une nouvelle société et c'est plus facile de le faire à vingt-sept que tout seul. Si on construit une Europe basée sur le partage entre le Nord et le Sud, sur la protection, sur la modération, sur le juste échange et non pas sur le libre-échange, on peut créer une vraie adhésion. Pour éviter des années noires, l'Europe doit être plus offensive et plus radicale.

« On peut faire de la politique sans se présenter aux urnes »

Comment ?

L'incitation ne suffit plus, il faut passer à la dissuasion, voire à la contrainte. J'attends que la France propose un plan Marshall européen pour orienter nos investissements afin de préparer l'après-pétrole. Il faut contraindre par la norme notre industrie à créer des biens de consommation qui consomment moins. Si on ne fait pas ça, toutes les technologies qui vont répondre à ces exigences viendront de Chine ou des Etats-Unis. Il faut également une politique de fiscalité écologique européenne. J'ai notamment proposé une TVA faible sur les biens et les services à faible impact environnemental et une TVA élevée sur ceux qui ont un fort impact. Il faut enfin profiter du bilan d'étape de la politique agricole commune (PAC) et favoriser des modes de production plus respectueux de l'environnement. Notamment en créant un vrai marché sur la restauration collective pour l'agriculture bio et de qualité.

Nathalie Kosciusko-Morizet a déclaré que la France « n'était pas prête » pour la taxe carbone...

Non, hélas. Mais la France peut la proposer au niveau européen. Nous suggérons que cette taxe soit aussi une aide au pouvoir d'achat grâce à la redistribution de son produit dans une allocation universelle climat profitant aux plus démunis. Nous avons rendez-vous la semaine prochaine avec un conseiller de l'Elysée à ce sujet.

Que répondez-vous à la proposition des Verts de figurer sur leurs listes aux européennes ?

Je ne pense pas que je vais conduire une liste. Les Verts m'ont aussi invité à leurs journées d'été mais, comme je vais le dire à Cécile Duflot (NDLR : secrétaire nationale des Verts), je serai probablement en tournage pour mon film. En revanche, je prendrai une initiative cet automne pour donner envie aux gens de s'intéresser à ces élections.

Vous ne serez donc pas candidat ?

On peut faire de la politique sans se présenter aux urnes. Je vais tenter de fédérer sur une notion de pacte de solidarité européen un certain nombre d'acteurs en France et à l'étranger. Au moment où je parle, je pense être plus utile en restant là où je suis. En franchissant la ligne rouge pour les européennes, je créerais plus de divisions que de convergence.