Mort du dramaturge Harold Pinter

Antonia Fraser, épouse de l'écrivain et dramaturge britannique Harold Pinter, a annoncé sa mort sur le site du Guardian
Prix Nobel de littérature en 2005, cet intellectuel connu pour ses prises de positions politiques a écrit plus de trente pièces de théâtre.

Harold Pinter, qui était âgé de 78 ans, était également poète, metteur en scène et auteur de scénarios de films, dont plusieurs adaptations de ses oeuvres. Il a également écrit pour la radio et la télévision.

L'artiste, qui souffrait d'un cancer de l'oesophage depuis 2002, est mort mercredi soir, a déclaré sa seconde femme - il avait épousé en premières noces la comédienne Vivien Merchant - au Guardian: "C'était un grand homme et ce fut un privilège de vivre avec lui pendant plus de 33 ans. Il restera à jamais dans nos mémoires".

Fils d'un tailleur juif d'origine russe, il était né le 10 octobre 1930 à Hackney, un quartier populaire de l'est londonien.

Elève brièvement d'une école de théâtre, il avait produit en 1957 The Room (La Chambre), immédiatement suivi de The Dumb Waiter (Le monte-plats), puis, l'année suivante de The Birthday Party (L'Anniversaire). Sa première grande pièce avait failli aussi être sa dernière, L'Anniversaire ayant été éreintée par la critique et n'étant restée qu'une semaine à l'affiche. L'auteur débutant, à l'époque jeune père de famille, avait alors envisagé de changer de métier mais son individualisme forcené et son amour du théâtre l'avaient finalement rattrapé.

Le succès lui avait souri avec The Caretaker (Le Gardien), filmé en 1963: artiste talentueux, il a collaboré à plusieurs reprises pour le cinéma, écrivant notamment les scénarios de La Maîtresse du Lieutenant français et de L'Ami retrouvé.

Harold Pinter a souvent écrit des pièces se jouant dans des espaces clos où les personnages, livrés à eux-mêmes, tombent le masque des conventions sociales pour montrer les failles de leur identité. On associe volontiers ses premières oeuvres au théâtre dit de l'absurde.

Critique acerbe dans les années 1980 du président américain Ronald Reagan et de sa contemporaine britannique, l'ancien Premier ministre Margaret Thatcher, Pinter avait tourné plus récemment sa colère contre l'engagement de l'Onu au Kosovo (1999), l'invasion américaine de l'Afghanistan (2001) et la guerre en Irak (2003), comparant Tony Blair à "un idiot plein d'illusions" et qualifiant George Bush de "criminel de guerre".

En 2005, ne pouvant se rendre à la remise de son prix Nobel de littérature en raison de l'évolution de sa maladie, il avait fait parvenir une déclaration contre les Etats-Unis et la guerre en Irak, qu'il avait alors qualifiée d"acte de banditisme, un acte de terrorisme d'État flagrant, la preuve d'un mépris absolu pour le droit international".

Commandeur de l'Ordre de l'Empire britannique et Chevalier de la Légion d'honneur, Pinter est reconnu comme une figure éminente du théâtre anglais de la deuxième partie du XXe siècle.


Hommages
L'ancien dramaturge, dissident et président tchécoslovaque puis tchèque Vaclav Havel a rendu hommage jeudi à Harold Pinter: "La solidarité qu'il manifestait envers moi-même ainsi qu'envers mes amis à l'époque de notre résistance (au régime communiste disparu en 1989) était d'une grande importance", a souligné M.Havel. Harold Pinter était un "excellent dramaturge". "Je l'appréciais beaucoup depuis ma jeunesse", a-t-il ajouté, avant de mettre en exergue son "amitié personnelle" avec lui et de conclure: "Son décès m'a profondément touché. J'exprime mes sincères condoléances à Mme Antonia Fraser", son épouse.

Le président français Nicolas Sarkozy a rendu hommage à un "humaniste lucide, intranquille et intransigeant", un "tempérament frondeur et hétérodoxe". "Il a rejoint les mânes de Samuel Beckett et de Bertold Brecht, ses contemporains et ses égaux", a déclaré le chef de l'Etat dans un communiqué. "Dans son travail d'écrivain comme dans sa vie de citoyen, il aura traqué sans relâche la bêtise humaine et ses nombreuses manifestations, les plus monstrueuses comme les plus anodines, 'absurdité se nichant autant dans les guerres que dans les routines de la vie quotidienne", poursuit le communiqué de l'Elysée. La ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, a salué un "immense écrivain" et un "dramaturge acéré".