Le rugby tient lui aussi son "Grenelle"

Le président de la Fédération française Bernard Lapasset

Le rugby cède lui aussi la modee du "Grenelle" en organisant de mardi à jeudi un forum sur l'avenir de l'ovalie.

"Pour la première fois, on réunira ensemble tous les acteurs du rugby professionnel, nations, clubs, provinces, entraîneurs, joueurs, médias et partenaires pour discuter librement", résume ainsi le futur président de l'IRB, Bernard Lapasset. Au menu : calendrier international, mise à dispositions des Internationaux et circulation des joueurs.

Renforcé par les résultats de la dernière Coupe du monde, le rugby est à la croisée des chemins. Les demandes d'ouverture sont nombreuses et cela ne va pas sans poser quelques questions. "Quand on voit l'engouement suscité, même par les petites nations, il y a un message fort qui est donné auquel il faut répondre, souligne le président de la FFR et futur homme fort de l'IRB, Bernard Lapasset. Il faut poser des principes qui permettent de gérer le rugby international et qui soient adaptables à tous."

Une nation résume à elle seule les discussions : l'Argentine. 3e du Mondial avec deux succès sur la France, un sur l'Irlande et sur l'Ecosse, l'équipe sud-américaine est au coeur des débats. Au Nord comme au Sud, plus personne ne peut ignorer ses résultats mais personne ne veut l'intégrer dans sa compétition. Les Pumas veulent pourtant rejoindre une compétition majeure, avec une nette préférence pour le Tournoi des six nations, qui se joue en Europe où évoluent la plupart de ses joueurs, plutôt qu'au Tri-Nations de l'hémisphère Sud. Le sujet a suscité de vives polémiques dans un calendrier déjà chargé, difficile à coordonner entre les deux hémisphères et avec des enjeux économiques importants. L'IRB a d'ores et déjà indiqué à l'UAR (la Fédération argentine) qu'avant de réclamer une place et une reconnaissance, elle doit présenter un plan de développement structurel qui passe par une refonte totale de son mode de fonctionnement jugé encore trop amateur. Sinon, l'Argentine risque de ne pas être capable de maintenir le niveau de jeu récemment atteint par les Pumas, grâce à une génération de joueurs talentueux,estime l'IRB. Ce sera donc une question à suivre.
Surchargé, le calendrier international préoccupe de nombreuses fédérations. Les participants devront ainsi étudier le rythme des compétitions internationales et des tournées, avec comme hypothèse la création d'un tournoi mondial à mi-chemin entre deux Coupes du monde ou l'instauration, peu probable, d'une Coupe du monde bisanuelle. Le déroulement des qualifications au Mondial-2011, afin de ne pas défavoriser les +petites nations+ souvent amateurs, sera également abordé.

"Plus tôt on prendra des décisions sur l'échéance 2011, plus tôt on pourra avancer et construire la suite" pour les dix prochaines années, souligne M. Lapasset. Pour servir de "base neutre" aux débats, l'IRB a commandé plusieurs études à un cabinet spécialisé, destinées notamment à évaluer le poids et les retombées économiques des différentes compétitions. Ces discussions ne déboucheront sur aucune décision immédiate mais serviront à élaborer des projets. "Il n'y a pas de vote, donc pas de +clash+ possible (entre les différents participants), rassure M. Lapasset. Il y aura juste le sentiment que ça a servi à quelque chose ou à rien. Il faudra voir si on a deux points de convergence ou vingt points de convergence". Au final, la seule décision connue sera celle du nombre de participants au prochain Mondial, 20 ou 16. C'est déjà pas mal...


Trois questions à Bernard Lapasset

Q: Comment pensez-vous faire converger des intervenants aux motivations différentes, comme on a pu le voir lors du conflit sur la Coupe d'Europe, au printemps dernier ?
R: "Nous serons tous ensemble, sous une autorité de tutelle, l'IRB, discutant à armes égales et il n'y aura pas de vote. La discussion se fera sur des données objectives, on ne peut pas suspecter les uns et les autres de défendre uniquement leurs propres intérêts. Il y a des études économiques sur lesquelles s'appuyer, nous allons discuter sur une base neutre. Tous ont accepté les règles du jeu posées par l'IRB, afin d'organiser et participer au développement du rugby professionnel. On sera là pour proposer, pas pour défendre ses intérêts."

Q: De nouvelles nations ont émergé lors de la dernière Coupe du monde. Quelle place peut-on leur accorder ?
R: "Le poids économique des nations n'est pas le même et cela constitue un danger. On voit une augmentation des recettes du rugby dans l'hémisphère nord beaucoup plus rapide qu'au Sud. Il y a la nécessité de prendre en considération de nouvelles nations, se poser la question: +Que va-t-on faire avec l'Argentine (3e du Mondial-2007, ndlr), la Géorgie, les Fidji (quart de finaliste du Mondial-2007, ndlr) ?+ Il faut rééquilibrer les forces en présence et répondre à la place que chaque nation doit occuper."

Q: La question de l'intégration de l'Argentine dans un tournoi international majeur sera incontournable...
R: "La question de l'Argentine se situe dans la problématique de l'ajustement des différences Nord/Sud. Si l'Argentine doit rejoindre le Nord pour renforcer le poids économique du Nord, ça ne change rien au problème. Il faut savoir comme elle peut participer au développement du rugby. La place de l'Argentine doit être dans un système organisé qui bénéficie à toutes les nations qu'elle rencontre."